96. Dimanche j'irai voter

Dimanche 7 Mai j'irai voter. 
Je sais bien que je vous ai habitués à des réflexions plus légères, encore que... 
Il se trouve que plus l'échéance approche, moins j'ai la plume à la dérision. Mille excuses...

Dimanche j'irai voter. Une enclume sur le cœur, j'irai glisser pour la seconde fois toute ma peine citoyenne dans une urne. Je devrais être habituée. Ça devrait faire moins mal. Ou pas. Au cas où, j'emporterais quelques Kleenex dans l'isoloir.
Que chacun se rassure. Je ne me lancerai pas dans une grande diatribe politique, de celles qui enflamment les bistros, la poule-au-pot du dimanche et les réseaux sociaux... Je ne veux convaincre personne. J'ai déjà eu du mal à me convaincre moi-même. C'est bien assez. Je veux croire, naïvement peut-être, que chacun sait maintenant que le pire est au bout du scrutin et qu'il connait les moyens qui sont à sa portée.

Dimanche, j'irai voter. Parce que c'est mon droit. La page Wikipedia consacrée au droit de vote des femmes me le confirme. Ce droit, plus ou moins récent selon les pays, est même pour certaines soumis à des restrictions. Devant l'écran, je mesure l’importance de ce  droit  qui est le mien. Plein de sollicitude, Google voit que je m'intéresse au droit de vote féminin. Il sait que je raffole des citations et m'en suggère une d'Odette Roux. Je ne connais pas Odette, mais ses mots réchauffent - un peu - ma détresse électorale :  "On ne nous a pas accordé le droit de vote, nous l'avons gagné."  Merci Odette (et Google) de me le rappeler alors que ma conscience civique bat de l'aile.

Dimanche j'irai voter. Même si je m'étais promis le contraire. Mais après tout, les promesses électorales, on sait ce que c'est. Et puis, on m'a déjà fait le coup. J'ai déjà dit NON. Même qu'on m'avait écoutée. Même que j'étais pas la seule. Alors, dimanche je serai au rendez-vous et je retournerai dire NON. A la haine et à l'intolérance, entre autres. Même si cette fois, je suis un peu frustrée de n'avoir pas rejoint mes concitoyens pour dire NON haut et fort dans la rue. "On n'oublie rien de rien, on s'habitue, c'est tout" chantait l'autre... Il ne croyait pas si bien dire... 

N'empêche. Moi, je ne veux pas m'habituer. Et dimanche j'irai voter. D'autant plus qu'il s'agit visiblement d'endiguer une épidémie bactériologique. J'entends partout  qu'il s'agit de choisir entre la peste et le choléra. Moi qui croyais que ça n’existait plus ces maladies-là de nos jours ? Quelle andouille! Comme je ne suis pas très au fait en matière de microbiologie, j'ai voulu me renseigner. Mais je ne connais hélas aucun épidémiologiste personnellement, ce que je déplore vivement et d'ailleurs, si c'est ton cas, que tu es sympa et célibataire, n'hésite pas à te manifester. Je me suis donc tournée vers mon pote Wikipédia (toujours lui!) même si pour le glamour on a vu mieux. Kiki m'informe donc aimablement que de 2010 à 2015 (ce qui, en passant, correspond étrangement à la durée d'un mandat présidentiel) la peste a fait 584 victimes de par le monde. Le choléra de son côté, continue de faire en moyenne 10000 victimes chaque année, de par le monde itou. Soit, sur 5 ans,  85 fois plus de victimes. Après mûre réflexion, des deux maux s'il faut vraiment choisir, j'aime encore mieux le moindre et c'est au bacille Yersinia Pestis qu'ira ma "préférence", mon suffrage devrais-je dire. D'aucuns prétendent que c'est bonnet blanc, blanc bonnet. Ce serait donc une affaire de couvre-chef ? Dans ce cas, permettez-moi d'opter pour le rouge flamboyant du bonnet phrygien. A Janson de Sailly, je me souviens que Monsieur Ribaud, prof d'histoire géo de son état, nous faisait apprendre par cœur la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Aujourd'hui, je suis nulle en histoire et je ne gagne jamais le camembert jaune au Trivial Pursuit.  Pourtant,  je peux encore réciter quelques articles de mémoire. En particulier, l'Article 3 : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. » Alors dimanche, Mr Ribaud, j'irai voter. Pour l'Article 3, et tous les autres. Pas pour les riches. Pas contre les pauvres. Pas pour un homme. Pas pour un parti. Pas pour qu'on interdise les portables au collège. Mais pour préserver ce que représentent à mes yeux les trois mots inscrits sur le fronton de l'école maternelle de mon bureau électoral : Liberté, Égalité, Fraternité

Dimanche j'irai voter. Entre les dessins d'enfants, le chamboule-tout et les Lego, le cœur en peine, j'accrocherai (encore une fois) mes convictions au porte-manteau, je m'isolerai, je prendrai une grande respiration et puis j'irai glisser mon bulletin dans l'urne. Parce que je n'ai pas le choix. Parce que je suis inquiète. Voyez-vous, c'est un 7 mai que Vladimir Poutine a été élu président de la Russie et c'est un peu bête, mais je suis superstitieuse... 

Alors oui. Dimanche 7 Mai, j'irai voter. 


Arabie Saoudite, 2015 des femmes brandissent leur première carte électorale .


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