138. Un Marx et ça repart !

Ça y est, j'ai fait ma rentrée politique. L'été s'en est allé et il a bien fallu se résoudre à ranger les vacances dans les valoches (à roulettes, désolée Brigitte). En général la rentrée, je trouve ça excitant, mais cette année, allez savoir pourquoi, je n'étais pas trop motivée. Peut-être la perspective de devoir se coltiner les mêmes bras cassés que d'habitude ? Avec les mêmes programmes en plus... Je ne sais pas vous, mais j'ai l'étrange sensation que je n'en finis plus de redoubler. Je crois que je suis en situation d'échec politique. Mais ne dramatisons pas, finalement ça ne s'est pas si mal passé. J'ai même réussi à ne pas pleurer, ce n'est pourtant pas l'envie qui m'a manqué. C'est peut-être ça la maturité politique ? Ou la désillusion allez savoir... Mais que je vous raconte un peu. 

Le weekend dernier, je baguenaudais  au Parc Floral (en vrai je travaillais, mais ça fait moins bucolique) quand par un hasard fortuit et malencontreux, entre les oies sauvages et les nénuphars, une horde de jeunes républicains a surgi devant moi - sans les armes mais avec les bagages (!) - effrayant jusqu'au paon du parc qui est allé se réfugier sur le toit du Pavillon 21, me laissant affronter seule et pantoise la Rentrée des Jeunesses Républicaines. Si mon miroir se charge de me rappeler  chaque jour que je n'ai plus rien d'une jeunesse, ces militants supposés être dans la fleur de l'âge non plus, visiblement. N'ayons pas peur des mots, ils avaient la fleur sinon au fusil du moins quelque peu défraîchie pour ne pas dire carrément flétrie. L'espace d'un instant, je me suis même demandé si ce n'était pas un critère d'adhésion ? Giscard et Juppé étaient déjà chauves à vingt ans, non ? Toujours est-il que le look Fillon et le look Bachelot étaient très tendance cette année dans les allées du Parc Floral entre les bijoux clinquants, les foulards Hermès, les serre-têtes velours et les vestes forestières malgré les 34°C, ce n'était pas exactement la Fashion Week. Sans doute attirée par ma combinaison bleu royal et malgré mes cheveux gris, Rachida Dati en personne est venue me saluer toutes dents dehors et pendant un court instant, j'ai retrouvé ma jeunesse, républicaine de surcroit ! Cependant, son sourire botoxé et carnassier n'étant pas sans rappeler celui de Jack Nicholson dans Shining, notre échange a été des plus brefs. 

Les plus observateurs d'entre vous auront peut-être remarqué que je n'ai rien d'une Républicaine. Enfin si, pardon. Conformément à la définition de ce bon vieux Larousse, je suis en effet favorable à la République. En revanche, je ne suis pas un moineau d'Afrique Australe qui édifie un nid collectif où se reproduisent plusieurs dizaines de couples, ce qui est bien dommage, ça a l'air sympa. Je ne suis pas non plus membre du Parti des Républicains, ce qui d'après ce que j'ai vu ce weekend a l'air un peu moins sympa et beaucoup plus bruyant qu'un moineau qu'il soit d'Afrique ou d'ailleurs. Mais après avoir entendu ces jeunes militants crier tout le weekend et tous en chœur On est de droite ! On est de droite ! je m'interroge : finalement le nid collectif c'est peut-être leur truc aux Républicains ? Sardou, Montagné et Bruel, oui apparemment. Ils nous l'ont fait savoir à pleins poumons, hélas. En revanche, pour les dizaines de couples, je crois que non... La reproduction communautaire, à mon avis, c'est plutôt un truc de gauchos. Du reste, ce weekend, à la Fête de l'Huma, j'ai croisé quelques camarades qui avaient l'air plutôt partants... Oui j'étais à la Courneuve. Eh ! Il me fallait bien quelques litres de binouze tiède pour me remettre de ma rentrée inopinée à Droite et noyer ma déception de ne pas voir croisé les Balkany.

Ce qu'il y a de bien avec la Fête de l'Huma, c'est qu'on a ses repères. D'abord tout le monde te tutoie et t'appelle Camarade et ça fait chaud au cœur ce petit folklore. Bon, je dis tout le monde, mais pas les types à l'entrée payés deux ronds de serviettes en papier  qui te disent "Pass Sanitaire siouplé!". Tu peux assister à des débats avec des titres qui te rappellent que le monde ça pourrait être vachement chouette si on faisait un effort et quand tu t'arrêtes pour écouter les Camarades, tu te rend compte que c'est pas gagné cette affaire... Cette année, Fabien Roussel a été très sympa, il nous a fait tout plein de promesses pour quand il sera le Président de la République. Et puis la Fête de l'Huma, c'est un peu le Salon de la Gastro (dans tous les sens du terme). Tu passes trois jours à manger et à boire des spécialités de toutes les fédérations (mention spéciale au Punch Coco de la Martinique). Avant, on buvait se torchait à la Kro en mangeant des merguez. Maintenant, on boit de la bière bio - à la verveine ou à la réglisse - et les assiettes sont vegan... Ah la la, tout se perd Camarade... Moi mon truc, c'est les douzaines d'huîtres. Enquiller les stands de Bretagne et de Loire Atlantique (22, 29, 56, 44, 85, 17) sans oublier celles de Bouzigues en Hérault (34). Enfin ça c'est d'habitude parce que cette année, l'Humanité avait réduit de moitié. Entre les stands qui n'étaient pas là et ceux qui n'avaient pas prévu assez d'huîtres, dès le samedi, il y avait pénurie. Idem pour la choucroute, le cassoulet, les tripoux et l'andouillette. Heureusement, pour la bière on a évité le drame et c'était beau de voir, comme chaque année, tous ces messieurs pisser au vent entre deux stands, plutôt que dans les - nombreux - sanitaires prévus à cet effet. Côté concert la Fête de l'Huma, c'est un peu comme la Fête de la Musique. Et cette année, on n'a pas été déçus, Trust nous a régalé de son célèbre Antisocial et sur la grande scène, Alain Souchon a fait chanter (et rire !) jeunes et vieux à l'unisson pendant plus d'une heure alors qu'il devait jouer 45 minutes. Merci Camarade ! Et puis au détour des stands, des inconnus se sont retrouvés autour d'autres inconnus qui grattaient plus ou moins bien des guitares en criant leur colère, rêvant d'un monde meilleur et solidaire... A minuit, les Camarades épuisés se sont dirigés vers la sortie pour rejoindre le RER... ou prendre un Uber. N'empêche, chaque année à la Fête de l'Humanité, il y a comme un goût de liberté, d'égalité et de fraternité. Dommage que ça ne dure que trois jours... 

Sinon, pour la rentrée du Rassemblement National, je pense que je vais faire l'impasse. Je ne suis pas sûre que ce soit très raisonnable après les huîtres...


 Ma rentrée Républicaine

 
 Ma rentrée Communiste

Le Camarade Alain

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