68. Eh ben mon vieux!
Je dois vous avouer que cette semaine, au moment de vous écrire je ne suis pas très inspirée. Ne le prenez pas pour vous, ça n'a rien de personnel. Sans doute, la mélancolie automnale m'aura-t-elle gagnée. Derrière l'écran de mon ordi, le café est tiède et le curseur, docile, clignote en attendant d'aligner des mots que je ne trouve pas. Dehors, le ciel fait la gueule et la pluie frappe incessamment aux carreaux de mes fenêtres. On dirait le début d'un mauvais polar... Un truc genre Meurtre à Eurodisney : "La journée avait mal commencé pour Églantine. Non seulement, il n'y avait plus de Nutella, mais son chat Cookie, manquait à l'appel de quoi contrarier la jeune et belle contractuelle quand tout à coup..."
Je ne sais pas ce que j'ai, d'habitude j'ai tellement hâte de vous écrire! En plus la semaine a pourtant tellement bien commencé. Figurez-vous que je suis allée pousser mes chansonnettes à Reims. Enfin presque, je me suis arrêtée à la banlieue Sud. Je laisse à Jean-Louis Aubert le plaisir de chanter Houellebecq en ville à 40€ la place, moi je me contente volontiers de mettre le feu aux médiathèques de la périphérie (ami pompier tu peux ranger ta lance à incendie, ceci est une métaphore).
Donc, lundi à 14h30 la salle de la Médiathèque Croix Rouge n'était pas remplie de jeunes férus de chanson à texte et/ou humoristique, ni d'abonnés égarés en quête des publications de Pierre Bellemare ou de Valérie Trierweiler (disponible en trois exemplaires, sur réservation uniquement, je me suis renseignée). La salle n'était pas non plus remplie de jeunes écoliers boudeurs, contraints d'explorer les rayonnages en quête d'un ouvrage qu'ils seront forcés de lire par quelque enseignant perfide et de mauvaise foi qui leur soutient que non, regarder l'adaptation 3D du Seigneur des Anneaux ce n'est pas pareil que de lire le livre! Ces enseignants, quel culot!
Lundi, la salle était cependant bien remplie. Des personnes âgées, résidentes d'une maison spécialisée occupaient les sièges et puis quelques fauteuils roulants aussi. Une fois par an, leur résidence leur offre un spectacle. Une fois par an ce n'est pas beaucoup pour sortir rigoler avec les copains. A ce rythme là, c'est normal qu'on soit un peu impatient. Surtout à 75 ans! Et pourquoi non? Quand on est vieux, on vous ressert toujours la même soupe : Thierry Baloche et son orchestre de 1 musicien au complet qui interprètent La Java Bleue, La Vie en Rose et Les Roses Blanches.
Eh bien Thierry, tu peux remballer l'arc-en-ciel et aller siffler ton ballon de p'tit blanc sous la tonnelle, cette année ce sera sans toi. A la médiathèque lundi, STEF! a débarqué et je peux te dire qu'il y en a eu du spectacle et du vrai! Du qui t'explose le sonotone, du qui te décoiffe les trois cheveux qui te restent, du rigolo que t'as le dentier qui se décroche et c'est tant mieux parce qu'à la maison de retraite on peut pas dire que ce soit la poilade tous les jours.
J'aime bien les vieux. Pardon! Je précise pour éviter tout malentendu ainsi que nombre de mails douteux : j'aime bien chanter pour les vieux. Les petits, les gros, les sourdingues, les grincheux, les joyeux... Eh bien lundi, ils étaient tous là: les 7 nains et leurs copains ! Je ne vous dis pas la pression! C'est qu'il fallait être à la hauteur. Le directeur de la médiathèque était adorable et il nous a accueillis comme des rois, mais il était tellement anxieux! Il faut dire qu'il ne connaissait pas le spectacle, bref ça n'a pas aidé pour me détendre. Est-ce que ça se fait de chanter Ode à mon cul à des personnes âgées? Et flirter, assise sur les genoux du troisième âge ça se fait? Est-ce que ça ne va pas déclencher quelques crises cardiaques? Et encore siffler une bière cul sec devant un parterre imbibé de jus de pommes est-ce que ça se fait? Eh bien deux jours plus tard, je suis heureuse de pouvoir dire que oui, on dirait que tout ça se fait! Et même, pire, on dirait que tout ça, ça leur plaît aux petits vieux! Beaucoup même! Comme on a rigolé avec Marcelle, Geneviève, Paulette, Jacky, André, Michel et les autres! Même que à la fin Christiane, elle a pleuré... de joie!?! "Tu reviendras nous voir STEF! ? On a tellement ri, tu sais ça fait du bien." Tu sais Christiane, je ne te l'ai pas dit, mais sur le moment je me suis retenue de pleurer moi aussi. Et puis Geneviève aussi elle a pleuré un peu. Quand j'ai chanté le Père Noël qu'on laisse au placard toute l'année... Elle a dit "Ben oui c'est la vie... On nous oublie on n'y peut rien..."
Tu sais Geneviève, ma Mamoune n'est plus là, mais encore aujourd'hui, je ne l'oublie pas. Je ne suis pas allée la voir assez souvent quand elle était là-bas dans la maison, comme toi. Je regrette. Ma Mamita non plus je ne l'oublie pas. Elle perd bien un peu la boule dans sa chambre là-bas à Metz, mais si tu savais comme c'était chouette quand je suis allée la voir la dernière fois. C'est drôle d'ailleurs, je viens de réaliser que mes grand-mères ne m'ont jamais vue chanter. Ni l'une ni l'autre. C'est pas plus mal remarque, parce que je ne suis pas sûre qu'elles auraient apprécié de m'entendre entonner Ode à mon cul en public. Quoique? Qui sait? Ça ne leur aurait peut-être pas déplu autant que je me l'imagine...
Alors je me rattrape! Je chante pour des petits vieux que je ne connais pas. Rien que pour leur faire plaisir! Pour nous faire plaisir! Après on discute de tout et de rien, on mange des biscuits à la cuiller avec un café tellement léger que ça doit être de la chicorée. Tout le monde sourit... Pis moi aussi. On doit avoir l'air un peu niais...
Aujourd'hui, pour être sûre que chacun m'entende, j'ai dû chanter très, très fort, et j'ai articulé, beaucoup, beau-coup! Je me sens un peu vide, comme la tasse de chicorée que j'ai dans la main. Je dis au revoir, je fais des bisous, il est déjà l'heure et tout le monde doit reprendre le bus pour la résidence. La fête est finie et moi je dois rentrer à Paris
N'empêche, c'était réussi, hein ma Paulette?
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