Alors ?
Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas lus ? Comment ça va ? Excusez-moi,
je coule un peu sur le clavier, je reviens de mon footing. Enfin de mon
jogging. Non ! Pardon ! Mon running. Bon, inutile d'en faire tout un
far au pruneaux : je suis allée courir, c'est tout. C'est
dingue, toutes les décennies, il faut qu'on change de mot pour désigner
le même truc ! C'est pour vendre plus de baskets, c'est ça ?
Attendez... Deux secondes, faut que j'aille faire pipi, je reviens.
Aaaah... Me revoilà. Au fait, puisqu'on en parle, j'en profite pour
soulever un point sensible. Cette histoire de Pass Sanitaires, là. Vous
en pensez quoi ? J'avoue que je ne comprends pas très bien pourquoi tout
le monde s'excite. Ça devrait faire l'unanimité, non ? Franchement, je
ne sais pas comment c'est par chez vous, mais à Paris, trouver un
endroit pour faire pipi ça relève parfois du parcours du combattant.
Alors si y a moyen de soulager tout le monde (c'est une figure de style,
hein), je trouve que c'est pas si con. Je sais que je ne vais pas me
faire que des amis mais... allez, faut assumer ses convictions ! Je suis
pour le Pass Sanitaires. Il est grand temps que le gouvernement prenne
position et rende les toilettes publiques accessibles à
tous.
Comment
ça, c'est contraindre la liberté d'uriner des individus ? Alors là, je ne
suis pas d'accord du tout. Tenez, à Toulouse par exemple, où je viens de
passer trois semaines pour la création de Sur la Bonne Voix
nos ateliers de développement personnel et musical à domicile, eh bien
le centre ville compte à peine 20 Sanisettes. Si l'on rapproche ce
nombre de la consommation de bière locale par habitant, à première vue, je ne suis pas scientifique, mais la
proportion me semble plus qu'insuffisante. Ainsi, avec mon amie Valérie
- qui est accessoirement la metteure en scène de nos ateliers - nous
avons eu l'opportunité de faire quelques observations sur le
terrain. A cette occasion, nous avons pu étudier le comportement des autochtones. Au petit matin, nous avons vu différents spécimens,
masculins pour la plupart, se saisir fièrement de leur attribut
(de tailles et de formes variées) et honorer le bitume d'un jet fumant d'urine, arrosant joyeusement leur environnement naturel et urbain. En quoi leurs besoins naturels eurent-ils été brimés
si des Sanisettes avec lavabos et savon inclus avaient été mises à leur
disposition, je pose la question ?
On
m'opposera sans doute à grands cris que chacun a bien le droit de faire
pipi là où il le souhaite, que ce soit dans des toilettes, à l'abri
des buissons, entre deux voitures ou encore dans le caniveau. Je
répondrais que non, ce n'est pas le cas. Dans la capitale (c'est l'exemple que je connais le mieux, veuillez m'en excuser) l'article R632-1 du code pénal prévoit que pour « épanchement d'urine » (on notera la figure poétique) en pleine rue
les riverains sont passibles d'une amende de 68 €. Les épanchements
sont pourtant légions, il suffit de venir faire un tour dans ma rue pour
vous en assurer. Et je vous épargne les épanchements solides. A moins
que les riverains ne s'inscrivent dans une démarche écologique ?
Peut-être participent-ils à l'entretien de la flore sauvage de la Rue
Robineau au moyen d'arrosage et de compost 100% naturel ? Dans cas, en
effet, l'accès entièrement libre à la Sanisette située 100 mètres plus
loin Place Martin Nadaud est parfaitement obsolète.
En 2018, en plus des 400 Sanisettes plus ou moins propres déjà installées un peu partout, la Ville de Paris a par ailleurs installé 5 Uritrottoirs * écologiques pour permettre
à ces messieurs de faire à la fois pipi, du compost et pousser des
fleurs quand une envie subite les surprend au détour de l'Ile Saint
Louis. Si l'initiative est plutôt louable, on peut cependant déplorer
que la Ville de Paris ait oublié de penser à l'intimité la plus
élémentaire des usagers et que des envies subites pouvaient tout autant surprendre les dames...
Pour finir, j'aimerais vous soumettre une dernière anecdote en faveur du Pass Sanitaires, entièrement fictive cela va de soi ! Imaginez que vous débouliez gare de Lyon une demi-heure avant le départ de votre train, qu'une
envie pressante déclare l'état d'urgence dans votre vessie et qu'il
vous reste environ 10 minutes avant d'accéder à votre train. Imaginez
encore que plein d'audace - entre autre - vous décidiez de débusquer les toilettes du
Hall C, au fin fond du sous-sol, entre le Parking et la Dépose
Minute en traînant derrière vous votre valise de 18 kilos (avec au choix
vos skis, votre planche de surf ou votre matériel de tournée) alors...
je vous souhaite bon courage ! Une fois trouvée la sacro sainte porte
des chiottes, l'entrée nécessite une pièce de 1 euro. Bien sûr, vous
n'avez pas de pièce sur vous et votre Carte Bancaire ne vous est d'aucun
secours. Cette foutue cuvette se situe maintenant à peine à 20 mètres, elle est
impossible à atteindre ! Il vous faut cette pièce ! Vous voilà projeté dans une véritable partie de Donjons et Dame Pipi ! Vous vous
dandinez lamentablement d'une jambe sur l'autre... vous savez que
bientôt, inévitablement, vous allez mouiller votre pantalon ! L’accès étant gratuit pour
tout accompagnant d'un enfant de
moins de 6 ans, vous envisagez un instant d' "emprunter" la fillette
d'un autre voyageur afin de vous soulager grâcieusement. Quand vos yeux se
posent sur une affichette vous êtes au bord des larmes "Dès 2022, les voyageurs disposant d'un billet
pourront faire pipi gratuitement en gare." Une SDF crasseuse s'approche alors de vous et vous tend un euro. La
honte vous submerge lorsque vous acceptez. Assise sur la cuvette vous
songez qu'en 2022, cette SDF ne disposera d'aucun billet pour pisser
gratos Gare de Lyon et soulager un besoin on ne peut plus naturel et
qu'elle devra toujours payer 1 euro... naturellement ! Votre dignité
sauve, vous sortez des toilettes et tendez un billet de 5€ à la SDF.
Finalement, le vrai drame ces jours-ci, est-ce qu'on ne l'oublie pas un peu vite ? L'accès libre aux sanitaires devrait être un droit élémentaire pour tous. Combien d'infections
urinaires, combien de cystites, de calculs rénaux, de mycoses se sont
développés cette année ? Pendant ces divers confinements, combien
de personnes se sont retenues de boire (de l'eau !) par peur de ne pas
trouver où aller faire pipi ? Alors oui, j'assume. Au risque de déranger, je suis pour le Pass
Sanitaires ! Dans les cafés, dans
les Mc Do,
dans les restos et jusqu'au 3ème étage du BHV ! Des toilettes partout !
Gratuites et pour tous ! Et même... pourquoi le gouvernement ne
s'engagerait-il pas en faveur du papier toilette gratuit dans les
campings ?
Comment ça le Covid ? Non mais c'est n'importe quoi, là. Mais il sert à quoi ce gouvernement ?
* Pour ceux que ça intéresse, les Naturinoirs du Boulevard de la Chapelle n'ont quant à eux pas fait long feu : Le fiasco des Naturinoirs
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