121. Trois minutes vingt-neuf secondes

Trois minutes vingt-neuf secondes de bonheur pur. Une fois, deux fois, cinq fois, trente fois que je regarde cette vidéo. Je ne me lasse pas. Addict je suis. Il y a un kit de prévu comme pour le mois sans tabac ? Des groupes de paroles ? Parce que l'effet est toujours le même : je pleure des rivières. Bon, forcément, devant mon ordi, je dois avoir l'air un peu con. Peu importe. Je clique, je reclique et la magie opère. Chaque fois ! C'est l'effet Gégé !
Un studio d'enregistrement est plongé dans la lumière feutrée de projecteurs de cinéma... Au bout des doigts de Gérard, les notes d'un piano noir courent, faciles et heureuses, ça va de soi.  Le dos voûté, les cheveux gris, on dirait qu'il s’efface derrière la musique. Il n'a pas l'air commode n'empêche, je le trouve beau. De l'autre côté du piano au ventre grand ouvert, posé sur un tabouret de comptoir, c'est le ventre énorme d'un autre Gérard qui déborde sous son veston grand ouvert itou. Derrière un micro, son nez prodigieux lui mange le visage. Il ne reniflera pas cette fois-ci les doux parfums d'un petit verre de Merlot. Non. Appuyé sur une jambe, les mille kilos de sa colossale silhouette évoquent tout à la fois Falstaff, un taureau charolais ou un Hulk à la retraite. Son phlébologue doit avoir du boulot. Le dernier accord de l'intro résonne. Gérard chante, à mi-voix. Comment cette baraque imposante peut-elle subitement être plus légère qu'un papillon ? Voilà combien de jours... D'ailleurs, peut-être qu'il parle, on ne sait pas bien. Ce qui est certain c'est qu'un volcan de tendresse de trois minutes vingt-neuf secondes vient de se réveiller.
Derrière Gérard, Gérard chavire sur le Steinway. Il ne peut pas se faire plus discret qu'il ne l'est déjà, il ne peut pas se courber plus, il ne peut pas se cacher dans le meuble, il ne peut pas se fondre dans les cordes, alors tout simplement, il ferme les yeux. Il laisse la musique répondre à Gérard, remplir l'espace. Ses mains expertes se posent avec la douceur de la plume sur le clavier tandis que la voix de Gérard faiblit et se casse même. Dis, quand reviendras-tu? Dis, au moins le sais-tu? Ses grands yeux mouillés brillent comme ceux d'un chien fatigué... De grandes rides barrent son large front dégarni, des poches gonflées soulignent ses yeux... Il fronce les sourcils... retient ses larmes...  son regard triste se perd... Que tout le temps qui passe ne se rattrape plus...  Et ma gorge se serre...
Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire une analyse détaillée de chaque plan. J'en aurais très envie, mais dans un élan de mansuétude, je me retiens très fort et vous pouvez me remercier, on trouve en ligne des sites qui n'ont pas ma générosité ! Extrait choisi :

Une petite cantate. Du bout des doigts. Obsédante et maladroite. Monte vers toi.
"Obsédante"  cela signifie qu'elle revient tout le temps, elle s’acharne. (Dans le Larousse, Obsédant, ça veut dire qui tourmente l'esprit, les sens par sa présence continuelle, c'est pour ça.)
"Monte vers toi" on parle de quelqu’un qui est en hauteur. (Un parachutiste ? Un pilote d'aviation ? Un grutier ?)  [...]
Mais tu es partie – fragile – vers l’au-delà. On comprend qu‘elle parle à un mort. (Ah bon ? )
Je te revois souriante. Assise à ce piano, là. Le mort est une morte. (Parce que y a un "e" à Souriante et un autre à Assise, c'est pour ça.)
De toute façon, même si je le voulais, je ne pourrais pas vous expliquer touuuutes les nuances de jeu de Gégé ! Il y en a beaucoup trop. J'entends d'ici fuser les "Ouais, mais Géraaaaard..." Peut-être... Mais on pourra bien me dire ce qu'on veut, son exil fiscal, ses pipis à 40000 pieds, ses poutineries (les russes, pas les canadiennes), je m'en fiche, comme y dit Gégé :
“Il vaut mieux faire des conneries que s'économiser.” 
Et si c'est pas son truc à lui les éconocroques ? Je vais quand même pas lui jeter la pierre surtout après une vidéo pareille. Pour moi Gégé c'est un Acteur ! Un feu d'artifice ! C'est Le Dernier Métro, Trop Belle pour Toi, Rodin, Martin Guerre, Cyrano, Mammuth ! Et puis maintenant, à la vie, à la mort, ce sera Depardieu chante Barbara et mille Kleenex mouillés au Cirque d'Hiver.
Et puis Daguerre aussi c'est un grand Gérard. Pas aussi tapageur que Gégé peut-être quoiqu'ils doivent fréquenter les mêmes cavistes, mais enfin lui aussi, faudra dire au marbrier de pas oublier la majuscule au moment de graver son prénom pour l'éternité. Bah quoi ? Ils rajeunissent pas les Gégé... C'est peut-être même ça qui les rend beaux ?
En revanche, autant vous prévenir, côté réalisation, on est loin de Games of Throne, vous verrez. Mais ça ne nuit pas à la production pour un sou. Le pitch ce serait Barbara qui rencontre ses deux potes Gérard autour d'un grand piano, noir évidemment. Une alchimie parfaite pour un moment suspendu d'amitié, de tendresse et d'amour.
J'ai eu envie de partager, que ce soit un peu Noël avant Noël... Oubliez pas les Kleenex !



 

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