142. Fort potentiel, à ne pas manquer

Au bout du compte, je me demande ce que Stéphane Plaza penserait de toute cette histoire ? Une chose est sûre, Mr de V. ne remportera jamais le titre de Meilleur Agent Immobilier de la Semaine de Chasseurs d'Appart. Oui, je connais Chasseurs d'appart, figurez-vous. Tout comme Affaires Conclues, Bienvenue au Camping  et Les Anges fêtent la Saint Patrick ! J'ai beau ne pas avoir de télévision, ça ne m'empêche pas d'avoir un minimum de culture télévisuelle. Enfin culture... Je ne suis pas certaine que le terme soit vraiment approprié. Toujours est-il qu'il est difficile d'échapper au petit écran, le moindre  bistro est désormais équipé d'écran sinon petit du moins plat (grâce à l'allocation de rentrée scolaire ?) et les patrons dudit bistro sont rarement fans de Claude Sautet ou des documentaires d'Arte. 

Bref, je m'interroge. Stéphane Plaza aurait-il pu m'éviter tous ces déboires immobiliers ? Très certainement.  Il y a vingt mois, s'il avait assisté à ma première visite de l'appartement de Mme D.,  il aurait sans doute sauté de joie  en découvrant que l'appartement était équipé d'une double vasque.  Après coup, il aurait sans doute modéré son enthousiasme. Il est vrai que les vasques ne se trouvaient pas à proprement parler dans une salle de bains mais dans un couloir de bain. Couloir qui reliait l'entrée à la pièce à vivre, ce qui permettait aux invités de Mme D. d'assister en toute convivialité à ses douches, bains ou brossage de dents avant qu'elle ne leur offre un café. Hormis cette curiosité sanitaire, l'appartement était  paraissait idéal : un rez-de-chaussée de trois pièces (72m2) donnant sur une cour très calme, avec cuisine toute équipée et corridor de bain, cheminée fonctionnelle, parquet, le tout à 150 mètres de chez moi ! Dans l'entrée, une fissure dans le mur attira mon attention mais Mr de V. m'informa que les travaux seraient bénins et qu'ils avaient été validés par l'AG. Il m'assura que cet appartement était une véritable affaire. Hum... Qu'en penserait Stéphane Plaza ? Hormis la conception d'une salle de bain et le rafraichissement du bien (allo ? Valérie Damidot ?), après les taudis et cagibis en touts genres que j'avais visités, j'étais à deux doigts de me laisser convaincre...
Après consultation de mes parents pour être sûre de ne pas faire une  grosse bêtise (qu'on ait 8 ou 48 ans, il est des habitudes qu'on ne perd jamais !) et après consultation de mon banquier pour être sûre de ne pas faire une  grosse bêtise, entre deux confinements, je me décidai à appeler Mr de V. pour faire une offre à Mme D. Je dus attendre (trèèèèès !) longtemps sa réponse et celle de son ex-mari. Finalement, dix-huit mois plus tard, ils étaient d'accord tous les deux et c'est toute excitée que je m'apprêtais à signer le compromis de vente. Une formalité pensai-j, me voyant déjà déambuler entre les allées d'Ikea. Que nenni. Il ne faut jamais déambuler trop vite !

Quand je veux une baguette, je vais chez le boulanger. Quand je veux de la joue de bœuf, je vais chez le boucher. Mr de V. ne semble pas fonctionner de la même manière que moi et ce fut-là le sujet de notre première discorde. Je m'obstinais à faire appel à ma notaire et non pas à lui pour la rédaction du compromis de vente ce qui sembla le chiffonner (à l'instar du jambon blanc ou cru que j'achète chez mon boucher itou).

Nous eûmes notre second différend quand ma notaire découvrit que le bien de Mme D. était destiné à des bureaux et non à un usage d'habitation. Mr de V. ne semblait pas comprendre que je m’embarrasse d'une information aussi insignifiante pour ne pas dire méprisable.

Notre troisième sujet de fâcherie surgit quand il s'avéra que Mme D. n'avait jamais régularisé le rachat pour un euro symbolique d'une partie du bien auprès de la copropriété. En conséquence, ma notaire m'informa qu'il me reviendrait de régulariser la situation non plus pour un euro symbolique, mais à la valeur vénale (et conséquente) du bien. Là encore, Mr de V. trouvait que je me formalisai pour pas grand-chose.

Nous atteignîmes le point de non retour lorsque ma notaire, toujours elle, me communiqua, avec le projet de compromis, le devis qui concernait les travaux "bénins" liés à la fissure. Le devis mentionnait la réfection des canalisations et des fondations de l'immeuble (l'appartement étant au rez-de-chaussée, merci  !) et s'élevait à la modique somme de 408 000 euros dont une part non négligeable serait à ma charge.

Après consultation de mes parents pour être sûre de ne pas faire une  grosse bêtise, j'informai ma notaire que je me rétractai et adressai un mail poli à Mr deV. pour l'informer de ma décision et mettre un terme à nos relations.

Mr de V. s'est senti offensé. Il m'a fait une véritable scène au point que le doute m'a envahi. Aurais-je largué Mr de V. sans m'en rendre compte ? Parait que je lui ai tourné le dos. Parait que je l'ai planté. Comment ai-je lui faire ça ? Après tout ce qu'il a fait pour moi.  Il m'a juré que jamais je ne retrouverai un bien pareil. Honnêtement, j'espère bien.

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